"Survivant de la psychiatrie", journaliste, il témoigne de 12 ans de suivi
Unique témoignage en son genre, l’immersion d’Adrien Potocnjak-Vaillant décrit une prise en charge en psychiatrie pendant 12 années, avec des diagnostics erronés, des prescriptions de médicaments inefficaces mais avec des effets secondaires handicapants, des enfermements abusifs proches de certaines situations de torture en temps de guerre.
L’ouvrage du journaliste met ainsi en lumière le paradigme psychiatrique, tout en dénonçant les abus, qui sont notamment ceux du diagnostic (trop) facilement attribué de "bipolarité" ou de "schizophrénie".
Injustice, Maltraitance, incompréhension, absence d’écoute et de prise en compte de la parole du patient sont des mots qui font écho au texte d’Adrien, et que l’ont retrouve partout en psychiatrie dans la prise en charge du patient.
Le récit permet enfin de mettre à jour les souffrances vécus, causées par le côtoiement intérieur du monde de la psychiatrie, alors que les patients auraient déjà, avant cela, besoin d’une écoute bienveillante et de compréhension de la part des soignants car une souffrance psychologique empêche la personne de pouvoir vivre le quotidien de façon vivable.
Après des murmures de couloirs éparpillés sur quelques années de la part de soignants sur une éventuelle "schizophrénie" chez Adrien, il se voit annoncé 7 ans après sa première prise en charge, un "trouble schizo-affectif".
Il ne se retrouvera dans aucuns des diagnostics (bipolarité, schizophrénie, ...) qui lui sera annoncé par les différents psychiatres et découvrira enfin ce dont il souffre, 12 ans après son entrée en psychiatrie, la dissociation.
Comme l’exprime si bien Roland Gori, Professeur en psychologie et psychopathologie clinique, « dans la logique gestionnaire, les moments d’humanités ne comptent pour rien », « Adrien témoigne aussi de l’absurdité des DSM » (préface).
En effet, les psychiatres, conséquemment à leur formation, se retrouvent pris dans une grille d’interprétation du comportement calqué systématiquement sur les symptômes au premier abord des "schizophrénies". Ainsi, par exemple, un mutisme, qui peut être de l’ordre d’un choc émotionnel, sera interprété comme un « repli sur soi ».
Du fait que le patient arrive en psychiatrie (hôpital ou clinique), il est immédiatement considéré par les soignants comme incapable de comprendre ce qu’il lui arrive ; le dialogue avec le psychiatre est alors à sens unique. Le psychiatre écoute à demi-mot le patient qu’il pense systématiquement insensé dans ses propos.
Or, ce n’est pas le cas. Il est encore important de le dire de nos jours : le patient, malgré ses symptômes a toute sa tête et est totalement capable de raisonner et de comprendre ce qu’il lui arrive, si on veut bien prendre la peine et surtout le temps de communiquer avec lui sur son état, et alors d’être à son écoute quant à sa description des symptômes et ressentis.
Oui, Adrien manifeste une colère légitime dans son récit qui représente alors la colère de tous les patients qui ont pris conscience de la totale incohérence de la prise en charge en psychiatrie, mais surtout qui ont vécu l’immense souffrance de cette prise en charge maltraitante. Toute personne qui est passé par la case « hôpital psychiatrique » ne veut absolument pas y retourner, pour la plupart. Comment peut-on laisser une personne pendant 28 jours cloisonnée entre quatres murs sans aucun contact humain, sans aucune source sonore avec pour seul objet une horloge et sans aucune raison valable ? Ils l’ont fait et ils le font encore. Cette façon de procéder fût utilisé comme instrument de torture en temps de guerre.
Dans cet ouvrage, on y apprend alors que le paradigme de fonctionnement en psychiatrie n’a finalement pas évolué depuis des décénnies. Le monde veut nous faire croire à une "société évoluée", mais « on reconnaît une société à la façon dont elle traite ses "fou" » (Jean Oury). (Nous reviendrons dans un autre article sur les conceptions du terme "fou").
Acteurs de la société, auriez-vous pu imaginer qu’on puisse encore à l’heure actuelle faire mettre une camisole en tissu à un patient arrivant aux urgences ou enfermer pendant un mois un patient dans une pièce sans aucune occupation, aucun objet, sans contact relationnel, en totale isolation sonore ? Ces pratiques sont encore courantes et souvent sans réelles raisons valables.
"Survivant de la psychiatrie" s’adresse alors à tout le monde : il permet à l’inconnu de la psychiatrie de se rendre compte réellement de ce qu’est ce monde si particulier — car l’ouvrage révèle au grand jour des renseignements qu’on ne trouve nul part sur les chaînes télévisées — et il permet au patient en psychiatrie de réaliser que sa propre vision de son expérience dans ce milieu est réellement ce qu’il s’est passé, et qu’il n’est pas "si fou que ça".
Vous trouverez l’ouvrage accessible sur le site éditeur.