Témoignage de Charlotte Bouvier : guérison de sa schizophrénie

, par  Véronique R.

Charlotte Bouvier a été diagnostiqué très jeune (avant 21 ans) d’une schizophrénie paranoïde. Grâce à de longues années en psychothérapie, Charlotte a pu avoir des enfants, se confronter à de fortes épreuves et guérir de sa schizophrénie.

Interview.

Bonjour Charlotte Bouvier,
Quelles ont été vos symptômes au départ et à quel âge sont-il apparus ?

j’ai toujours été bizarre depuis ma petite enfance (associable, introvertie , effacée) puis vers 7 ans j’ai commencé à me dissocier de plus en plus souvent, j’étais ailleurs, comme un observateur de scène, coupée des sensations reliées aux événements. Au même âge j’ai développé des troubles alimentaires (Boulimie). A l’approche de l’adolescence 10-11 ans les délires se sont installés, idées persécutrices, idées de grandeur (pouvoirs magiques), je ne supportais plus la présence de qui que ce soit. Je pensais que les gens pouvaient lire mes pensées, je croyais que je savais lire les leurs (elle est conne, grosse, regarde là cette sous merde, elle est ridicule...etc...). Enfin vers 14-15 ans je ne me reconnaissais pas dans le miroir, je regardais mes mains sans comprendre que c’étaient les miennes, je me sentais complètement dépersonnalisée. J’étais persuadée qu’en cas de problème je pouvais voler dans les airs et mettre le feu par télépathie à ce que je voulais. Je voulais mourir, grosse dépression qui a duré 10 ans approximativement (jusqu’à ma thérapie). Mon comportement étrange me valait des moqueries, du rejet. En parallèle je tissais des liens distants mais puissants avec des gens violents, drogués et extrêmement toxiques.

© Flickr CC by-nc-nd

Que vous a prescrit le psychiatre ?
Xanax, Prozac, Anafranil, un autre AD dont je ne me rappelle plus le nom et neuroleptique (que j’ai refusé de prendre).

Qu’avez vous pris finalement comme traitement ?
J’ai pris du Prozac durant 3 mois et j’ai arrêté brutalement Anafranil 1 mois et j’ai arrêté de la même façon car trop d’effet secondaires (poids, bouche sèche constante, fatigue) L’autre AD pendant une semaine, j’ai arrêté parce que je ne dormais tout simplement plus. J’ai refusé les neuroleptiques après avoir vu la liste des effets secondaires sur internet. Je n’ai donc aucun traitement et n’en ai jamais réellement eu.

Comment avez vous réussi à réduire vos symptômes psychotique ?
Sans conteste par une psychothérapie d’inspiration analytique. Comment au juste ? Par la parole, j’ai dû faire confiance à mon psy, j’ai dû sortir tout ce que j’avais au fond de mes pensées, j’ai dû remuer le passé, j’ai dû éprouver tout ce que je me refusais à ressentir et que les symptômes recouvraient. A force de libérer mes idées, mes sensations, mes sentiments, les symptômes n’avaient plus lieu d’être, ils ont disparu progressivement, étalés sur des années de travail.

La thérapie de type analytique était de type freudien ?
Plutôt lacanien, mais mon psy utilise un peu tout, il n’a pas de système de référence, mais il est psychanalyste "général" on va dire.

Quels ont été les éléments favorisant votre guérison dans la psychothérapie ?
Un psychologue d’excellence, que j’ai "à la bonne" et qui a su gérer correctement, habillement le contre transfert. Un psychologue qui m’a protégé du mastodonte psychiatrique ; il m’a empêcher de demander l’AAH (Allocation Adulte Handicapé), j’ai donc demandé le RSA, j’ai parlé de médicaments, il m’a approuvé lorsque que j’ai dit ne pas vouloir en prendre, j’ai parlé de CAT (Centre d’Aide par le Travail) il m’a m’a fait comprendre de ne pas en faire, j’ai été dans un GEM, il m’a fait comprendre que je n’y avais pas ma place, que ma place était dans le monde "standard". Je pensais qu’il ne prenait pas au sérieux mon cas, je comprends qu’il m’a épargné de me retrouver dans un système dont j’aurais eu du mal à sortir, car au final je suis libre chimiquement et libre administrativement de toute trace de ma pathologie, je suis dans le circuit "normal". En fait, il savait que ça prendrait du temps d’aller mieux. Au lieu de me mettre sous médicament, plus CAT, plus AAH (solution rapide de réinsertion) il m’a laissé le temps d’intégrer un circuit conventionnel (RSA, pas de médicament et perspective de formation classique par pôle emploi) même si ça a pris 6 ans minimum.

© Flickr CC by-nc


Vous vous sentez guérie depuis combien de temps ?
Très difficile de répondre, les progrès ont commencé dès la mise en place du transfert (6 mois) et les vrais changements après 1 an de thérapie à raison d’un rendez-vous par semaine toute l’année. Ensuite chaque mois je voyais des progrès, en 6 mois j’avais nettement progressé. Ce sont 6 ans de hautes turbulences, l’évolution est rapide sans être violente, toujours encadrée, jamais lâchée dans la nature avec mon mal être, mon psy à toujours été ma ligne d’horizon pour me stabiliser, il était là, il me cadrait quand c’était nécessaire. Je me suis fait engueulée, je l’ai engueulé. On a rit, on s’est taquiné gentiment, j’ai pleuré, j’ai crié, j’ai voulu ne plus jamais y aller, je me suis crue guérie, j’ai pensé que c’était stérile, j’ai pensé que c’était un con, je l’ai aimé, je l’ai désiré, je l’ai détesté ; j’ai passé avec lui tous les stades de l’évolution psychique de l’enfant que j’étais, prenant tour à tour le rôle de mère, de père, de grand-père, de la société. Il m’a montré la bienveillance neutre, dénuée d’intérêt personnel, il m’a fait confiance, il s’est substitué au monde de mon enfance qui était oppressif, méfiant, contrôlant, malveillant. Donc je vais mieux depuis le 1er rdv, mais je me sens "guérie" (je ne suis pas guérie, c’est juste que je ne suis plus malade, nuance) depuis 1 an et demi, le jour où j’ai commencé à m’imposer dans mes désirs, quitte à choquer, quitte à ne pas me conformer à la soumission passive qu’on m’obligeait à prendre, je suis devenue sujet de mon désir, libre de mes choix sans culpabilité, ce jour là je me suis dit "on y est". J’ai encore du travail, mais je sais que le plus gros est derrière moi.

Pensez-vous risquer de rechuter un jour ?
J’ai été quittée par le père de mes enfants , j’ai perdu mon père et mon grand-père, j’ai été agressée et malgré tout aucune rechute.
J’ai des passions, des amis, bref je suis sûre de ne pas rechuter, parce que j’ai appris à parler de mes angoisses et je sais à qui les confier.
Même sous turbulence, pas de délire (ou très léger et court) pas d’hallucinations et surtout pas de dissociation.
De plus, mon psy a confirmé que je ne rechuterais pas.

Avez vous des projets pour le futur ?
Oui, je compte faire une formation, dans le social. Comme j’ai des enfants et que je vis loin des villes j’ai peu de chance de faire ce que je veux précisément, j’aimerais dans l’absolu devenir psychologue mais ça restera un doux rêve pour quelques décennies (qui sait plus tard), pour l’instant je voudrais travailler dans le social (assistante de vie par ex, ou AMP).


Le nom de Charlotte Bouvier est un pseudo utilisé.


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